Les enseignements d’un mamo


Mamo Arhuaco Duavico 

Paroles de sagesse d’un mamo

Extrait d’un entretien avec Duavico, rapporté par Jean-Patrick Costa

« Les bunachis sont nos frères benjamins, les derniers nés de la création. On les appelle « petits frères » pour simplifier, mais ils nous donnent plutôt l’impression de ne pas être finis. Ils ont perdu le sens du sacré et même le sens de leur propre vie. Ils ont oublié de prier, je crois.
[…]

Tu vois, c’est toute la différence entre vous et nous : les bunachis voient le mal partout et du coup, vivent dans un monde en guerre. Nous les arhuacos, nous faisons confiance à Kak Serankua et à la Terre Mère. Nous copions son comportement. Par exemple, nous nettoyons nos pensées chaque jour pour vivre dans un monde en paix. Nous nous attachons à percevoir la beauté autour de nous et cela nous suffit. Nous n’avons pas besoin de divertissements ailleurs, tout est là, merveilleux, sous nos yeux, à chaque lever de soleil.

Les bunachis nous surprennent vraiment : ils sont fiers et vifs comme des coqs qui gesticulent et regardent dans tous les sens à la fois, sans cesse prêt à courser une femelle qui passe devant eux, ce qui les détournent de leur chemin ! (rires) On les sent toujours pressés, avec un égo démesuré, toujours à la recherche de quelque chose, ils ne se contentent pas de ce qu’ils ont et en veulent toujours plus. Ils cherchent des sensations fortes, un ailleurs forcément meilleur. Ils sont toujours en déplacement. Voitures, avions, bateaux, ils ont multiplié tout cela et cela s’accélère même. On les voit arriver dans nos territoires toujours empressés de faire des photos. Leurs premiers mots sont des questions. Ils nous posent une avalanche de questions. Nous ne répondons pas à leurs questions, car ils ne peuvent entendre la réponse…

Lorsque des bunachis me visitent ici à Mamorwa, je les observe. Beaucoup arrivent en me disant qu’ils vont passer plusieurs semaines et au final, ils repartent au bout de quelques jours, si ce n’est pas parfois dès le lendemain (rires) ! Il faut dire que je les envoie méditer tout là-haut sur la montagne, tous les jours à trois heures du matin (rires). Une bonne demi-heure de marche ! Lorsque le jour s’est levé, ils doivent redescendre et se baigner dans la rivière froide, neuf fois comme les neuf planètes de notre univers… Nous ne voyons pas cela comme une épreuve, c’est juste le moyen le plus facile et le plus simple de se connecter aux esprits de Mère Nature. Il suffit d’avoir de la constance de le faire tous les jours. Alors les esprits nous parlent. Ils s’habituent à notre présence et même à celle des bunachis ! Mère Nature aime tous ses enfants sans distinction et même ceux qui s’empressent de faire des petits tas de pierres, là où ils ont médité, une bien étrange coutume pour moi…

Quand ils commencent à poser moins de questions, au bout de quelques jours, c’est moi qui leur pose une seule question à deux facettes : Qui es-tu et qu’est-ce que tu es venu chercher ? C’est parce que les deux sont liées : tu ne peux pas répondre à la seconde, si tu ne connais pas la réponse de la première et vice versa. Beaucoup de bunachis n’ont aucune réponse à ce questionnement fondamental : pourquoi suis-je ici ? Et quelle est ma place dans ce monde ? Nous autres les arhuacos, nous avons appris à écouter les esprits. Ils nous renseignent. C’est ainsi. »

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Jean-Patrick Costa

ethnopharmacien, spécialiste de cultures amérindiennes.

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