« Se reconnecter à la nature » est devenu un leitmotiv quand il est question de tenter de sensibiliser les personnes aux défis environnementaux.
C’est bien sûr un sujet qui me taraude, puisqu’il est au cœur des objectifs d’Arakis Travel ! À plusieurs titres : alors que je vis dans l’un des pays à la plus importante biodiversité au monde et où encore aujourd’hui vivent des communautés autochtones en lien évident avec cette nature et ses êtres humains et non-humains, visibles et non-visibles. Et parce qu’il concerne la mission que je me suis donnée, de contribuer à mon humble mesure à cette quête de renouveau spirituel.
Mais que signifie se reconnecter à la nature ? Quelle connexion aurions-nous perdu ? Qui d’ailleurs est concerné ? Et puis bien évidemment comment procéder pour renouer ce lien avec la nature ? Bon, je vous arrête, je n’y répondrai pas dans ce court article, alors patience.
Le hasard fait bien les choses… ou comme d’aucuns diraient, les synchronicités sont à l’œuvre.
Je flânais en septembre dans une librairie parisienne de quartier et mon regard vint caresser un ouvrage dont les lettres dorées scintillaient sur une couverture toute en herbe verte, pour m’inviter à « Devenir animal ». L’auteur, David Abram, m’était totalement inconnu, mais la quatrième de couverture éveilla nettement ma curiosité tout autant que les premières pages couvertes d’étranges tableaux.
Il m’a fallu plusieurs semaines pour arriver à bout de ce livre atypique. Ni une fiction, ni un essai, ni vraiment de la littérature bien que les qualités y soient réunies. Je n’avais de mot pour le qualifier, et c’était tant mieux. Cette lecture agit en moi comme l’effet d’un breuvage psychotrope, m’emmenant loin dans l’éther au rythme des envolées lyriques et répétitives, comme un mandala lancinant. Je ne connais rien d’équivalent ! Chaque chapitre est un voyage en soi et je restais à la fois admiratif des incroyables capacités descriptives de Sir Abram tout autant que reconnaissant de me guider sur ce chemin initiatique lors duquel mon l’intellect était invité à se taire, me laissant ainsi porter par une incroyable poésie.
Alors qu’y ai-je appris ?
Que la patience est de mise pour que ce processus de reconnexion se fasse, à l’image des exercices de focalisation des sens que le chaman népalais Sonam exigeait de l’auteur ;
Qu’il faut dépasser les nombreux préjugés accumulés lors de siècles de rationalisme réducteur ; et que ce n’est pas aisé ;
Que l’apprentissage de la communication avec les êtres plus qu’humains passe par le corps, plus que par le mental ;
Que nombre d’outils (y compris notre langue abstraite pour nommer les choses) nous coupent de ce contact avec le sauvage et nous isolent dans une bulle, comme dans un métavers où nous aurions renoncé aux contraintes d’une certaine réalité pour nous enfermer dans un monde de fantasmes et de facilités virtuelles. Et que cette scission recèle un immense danger à l’heure où la Nature vient nous rappeler combien nous sommes arrogants mais fragiles ;
Qu’il existe un espoir immense et une joie incommensurable dans le fait de redécouvrir ce lien animal, car nous découvrons chaque fois plus combien, malgré notre spécificité d’humain, nous sommes proches de tous les êtres avec lesquels nous constituons le monde Vivant ;
Que tout cela a à voir avec la spiritualité au sens large ;
Que je pouvais apprendre à lire avec mon corps plus qu’avec mon intellect !
Je vous recommande cet ouvrage et en remercie son auteur qui m’a apporté des bribes de solutions pour élaborer la méthodologie qui irrigue nos voyages. Avec le rêve de le rencontrer un jour sur mon chemin en personne.
« Il y a des idées qui ne nous viennent qu’au bord de la mer, et d’autres que nous n’apercevons que dans les hauteurs escarpées. Certaines notions épineuses sont endémiques aux déserts, tandis que d’autres pensées, trop glissantes à saisir, se rencontrent principalement dans les marais. » David Abram, Devenir animal : Une cosmologie terrestre, aux Éditions Dehors, traduction remarquable de Stefan Kristensen.